Avec le dispositif multimédia inédit de L’Île de Paradis™ (version 1), présenté du 20 janvier au 10 mars 2007 à l’Espace arts plastiques de Vénissieux, Ultralab™ lance un vaste chantier de réflexions et de recherches plastiques organisé autour du thème classique de l’île idéale.
Obsédés depuis des années par ce motif d’un utopique monde bonzaï, plus facile à refaire mieux en vase clos, les membres du groupe puisent leur inspiration parmi les innombrables occurrences de l’île dans la culture mondiale, de L’île au trésor de R. L. Stevenson à L’île de la tentation de TF1 en passant bien sûr en tout premier lieu par l’Utopia de Thomas More, ou encore, parmi tant d’autres, celles de Jules Vernes (L’île mystérieuse et L’île à hélice), Rodney Graham (Vexation Island), Godfrey Sweven (Limanora), Tetsuya Nomura (Kingdom Hearts), Joone (Island Fever), Grand Theft Auto (Liberty City, Vice City et San Andreas), Alain Bublex (Glooscap Peninsula), H. G. Wells (L’île du docteur Moreau), Christophe Izard (L’île aux enfants), Namco (Portable Island), Christopher Priest (L’archipel du rêve), Shigeru Miyamoto (The Wind Waker et Yoshi’s Island) ou encore Aldous Huxley (Île)…
Moulinant à tout va ces trop nombreuses références, L’Île de Paradis™ (version 1), s’essaye à construire une irrationnelle et foutraque machine à tester “la possibilité d’une île” et s’interroge sur notre actuelle capacité à restaurer la production des utopies, quitte à prendre le risque de les voir proliférer et dériver dangereusement.
Le stéréotype de l’île paradisiaque évoque aussi aux membres du groupe une idée qui les préoccupe fortement, celle du désœuvrement, compris à la fois dans ses diverses acceptations sociales (chomâges d’un côté et loisirs augmentés de l’autre…), dans son sens psychologique (l’ennui, la frustration…) et, pour l’artiste, dans sa signification la plus littérale, celle de la difficulté (voire parfois l’impossibilité) à faire œuvre dans le contexte actuel et de la volonté corollaire de déconstruire la notion traditionnelle d‘œuvre pour lui inventer un avenir plus adapté aux conditions futures. Aujourd’hui, n’est-il pas devenu plus passionnant d’imaginer de subtiles manières de désœuvrer plutôt que d’œuvrer ? Cette dialectique dichotome irrigue toute la démarche d’Ultralab™ et instaure une tension particulière au cœur même de sa production.
À Vénissieux, cette quête prend la forme d’un grand dispositif qui prétendra fonctionner comme un complexe, obscur et déviant Générateur d’Îles Idéales™ (GÎI!™), lequel ne cesse de dysfonctionner. Chaque île répertoriée par le biais de ce processus apporte à l’entité du Générateur ses légendes, son histoire, ses particularités et ses propres fragments fictionnels.
Les détails de ces configurations sont puisés dans un Répertoire des Îles™ appelé à s’enrichir durant toute la durée de l’exposition et même au-delà.
Tout rêve produisant son versant sombre, son négatif cauchemardesque, L’Île de Paradis™ (version 1) donne également naissance à son doppelgänger maléfique, qui circule de manière souterraine dans le flux des données générées par le dispositif.
Enfin, à son habitude, Ultralab™ a invité quelques autres artistes, spécialistes d’autres disciplines et amis, à participer à l’élaboration de L’île du Paradis™ (version 1). Jean-Baptiste Decavèle, vidéaste, et Christophe Demarthe (Cocoon™), musicien, ont ainsi collaboré à la réalisation d’une vidéo présentée au sein du dispositif.
Anne Lille, janvier 2006